Le Non-Film de Quentin Dupieux aka Mr Oizo

jeudi 11 septembre 2008

La possibilité d'un livre.



Comme le titre le suggère grossièrement, je suis allé le jour de sa sortie voir le film de Michel Houellebecq, La possibilité d'une Ile, librement inspiré de son livre éponyme.


Je dois d’abord être honnête avant de partir dans une fabuleuse masturbation intellectuelle : dans la salle, on était une vingtaine au maximum, deux personnes sont partie dès la première demi-heure, et une autre s’est endormie.

D’autres ont applaudi discrètement, ou ont salué d’un sourire complice la prestation cinématographique.

Car, sans rentrer plus avant dans des considérations pseudo-sociologiques, a visu des personnes qui ont fuit le film, je crois que c’est plus l’absence totale de scènes de cul que la pénibilité des paradigmes houellebecquiens qui les a fait irrité. C’est vrai, ça : du Houellebecq, et même pas une bonne scène échangiste sans simulation ! Mais où va-t-on ?

Le film se focalise sur un personnage en particulier, le fils d’un pseudo-Raël beaucoup plus convaincant que l’original, dans un traitement en trois parties, dans la pure tradition du théâtre moderne.

On sent que la mise en scène est baignée de culture théâtrale. C’est déjà un bon début : le film obéit à une structure intellectuelle, et non à une logique de merchandising de bande-annonce.


La première partie traite de l’adolescence du personnage, alors qu’il suit bon gré mal gré son père, encore un parfait inconnu.

Les scènes de meeting dans les hangars et les parkings de supermarché de Wallonie sont anthologiques, absurdes et cyniques au possible : d’ailleurs, l’écrivain et cinéaste apparaît dans le public, à ce qu’il me semble.

Je comprends cette intrusion interlope comme une confession, « De même, j’appartient à ce monde de désaxés et d’appauvris par la culture de consommation, en manque de valeurs. »


Cela marque aussi l’aveu d’avoir, un temps, été séduit par la dialectique de Raël.

Le fils prodigue, joué par Benoît Magimel, refuse alors en bloc les théories de son père, et finit par s’enfuir. En filigrane se dessine déjà le projet eugéniste et prophétique du pseudo-Raël.


La deuxième partie, la plus longue je crois, traite du retour du fils au père dont la secte est devenue très florissante.

C’est l’occasion pour Michou de tailler des croupières au monde des voyages organisés dans les îles (cette période du film se passe à Bali) : c’est amer, intelligent, et très bien emmené.

La narration se fait successivement à travers les yeux de Magimel et d’un compagnon de voyage, un belge middle-class, reprenant à lui seul tous les clichés houellebecquiens, c’est-à-dire, l’homme en fin de vie qui se rend compte que tout l’ennuie et qu’il n’a pas vraiment vécu. Bali reste un songe, une Mecque de carton-pâte pour les petits capitalistes.

En parallèle, on assiste au retour du fils au père mourant, scène traditionnelle dont le pathos éculé pourrait plomber à tout moment le film, mais pas dans celui-ci. Le couple maudit ne sait pas exprimer bruyamment ses émotions, tout se fait dans le regard. On devine dans l’errance de Magimel, perdu dans le temple en béton lugubre de la secte, que les réponses qu’il cherche à ses questions et aux théories de son père n’existent pas en son siècle.

La troisième partie est la plus psychédélique du film. Psychédélique non pas d’un point de vue graphique ou visuel, mais par la rupture extraordinaire de ton de narration et de repères spatio-temporels.


Jusque là, le film présentait une continuité, un fil directeur, avec une photographie et une mise en scène du médiocre qui étouffe et du triste qui émeut, qui n’est pas sans rappeler la vague ultra réaliste des derniers films français et belges dont l’atmosphère pourrait se réduire à beaucoup de cynisme et des perles d’humanités.


Cette dernière partie du film déroute car elle penche franchement vers la science-fiction, dans une sorte de contemplation du personnage perdu au milieu d’une Terre réduite à un désert de pierres et d’herbes sèches.
Et la toute fin est très surprenante …


C’est donc un film de Houellebecq pour les gens qui ont préféré lire Les Particules Elémentaires à La Possibilité d’une Ile, justement.

Le film ne ressemble à rien de ce que je m’attendais, avec la non-présence à souligner de scènes pornographiques.

La caméra est crue, elle est acerbe, mais elle n’est jamais vulgaire : c’est peut-être la force d’un tel film, avoir tout compris au film français, sans en adopter les travers grotesques.

Quand au spectacle proprement dit, les images, parfois grandioses, sont soulignées (mais peut-être un peu trop …) par une musique classique puissante, à la dimension prophétique du drame qui se joue.

Au final,ce film peut être considéré comme un objet extrêmement sobre et esthétique, à réserver à un public qui préfère les films d’art & d’essai aux blockbusters hollywoodiens.

C’est normal que le pigiste du Monde n’ait pas du tout aimé, lui qui préfère encenser les vagissements et les sodomies de Christine Angot.

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